13. Protéger nos entreprises stratégiques et nos fleurons industriels
Les carences constatées dans des secteurs stratégiques pendant le Covid, notamment dans la santé et les composants, la perte de maîtrise et de souveraineté dans certaines filières après les cessions, délocalisation d’entreprises et d’activités clés sont autant d’obstacles à la réindustrialisation. Actuellement, le groupe Atos, dont les activités sont aujourd’hui déterminantes pour la plupart des administrations publiques et pour l’État français, dans les domaines militaire, nucléaire, de la santé et de la recherche scientifique, est menacé de disparition. Ce qui constituerait une perte de souveraineté grave dans des domaines aussi stratégiques, compte tenu du contexte géopolitique mondial. Il en a été de même pour les turbines Arabelle (GE-Alstom) utilisées, notamment, pour produire de l’électricité à partir de la vapeur des centrales nucléaires qui sont en attente de revenir sous pavillon français après sa vente à l’Américain GE. Mais aussi la maîtrise de la transformation du pétrole, base de toute notre activité chimique, de la plasturgie au caoutchouc, pour les principes actifs de santé…
Il est nécessaire de mettre en place une politique industrielle coordonnée et pérenne au niveau européen, car vingt-sept politiques industrielles distinctes ne sont pas à même de répondre aux besoins des populations européennes et aux défis posés par le changement climatique :
- créer un champion européen dans le domaine numérique pour garantir notre souveraineté technologique vis-à-vis des États-Unis ;
- créer des cloud souverains dans chaque pays européen et travailler aux coopérations en Europe dans le domaine numérique pour garantir un accès à la communication et une souveraineté technologique vis-à-vis des États-Unis et de la Chine.
Les investissements nécessaires pour assurer l’accès à la communication du futur, pour tou·tes les citoyen·nes européen·nes, doivent être assurés en mettant à contribution les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, et Microsoft) et par un soutien public à travers le plan d’investissement de 2 % du PIB, porté par la CES, ce qui représente 260 milliards d’euros par an pendant dix ans pour contribuer au développement, à l’emploi et l’innovation.
En France, créer un service public de gestion et de protection des données qui irait beaucoup plus loin que le service public de la donnée mis en oeuvre en 2017 (qui propose simplement de mettre à disposition, en vue de leur réutilisation, une base de données de référence publique). Au-delà d’une banque de donnée publique, les données numériques des usager·es, mais également des entreprises et des administrations doivent être protégées à l’heure où les données sont devenues une marchandise et réutilisées à des fins mercantiles, de contrôle ou de gestion, et où des cyberattaques se développent, chaque citoyen·ne doit pouvoir maîtriser ses propres données, et la loi sur le « droit à l’oubli » doit s’appliquer pour permettre à chacun·e de demander le retrait sur le World Wide Web des informations le concernant. Cela passe aussi par une protection et des droits collectifs à faire valoir sur les données et leur exploitation.
Le service public de la communication doit intégrer un service public de gestion, de protection et de sécurisation des données pour gérer, sauvegarder, contrôler les données numériques et leurs utilisations afin que les usager·es, mais également les entreprises et les administrations, en aient la maîtrise. Ceci grâce à une information claire pour tou·tes les citoyen·nes. Le service public de gestion doit veiller à ce qu’aucun intermédiaire ne puisse favoriser, ralentir ou bloquer la consultation des informations.
Le droit de la concurrence doit retrouver sa fonction anti-trust et de régulation offensive des grands groupes mondiaux dont la plupart ont la capacité d’imposer leur pouvoir aux États. Le droit de la concurrence ne doit plus être instrumentalisé pour justifier le démantèlement des entreprises de services publics au profit de ces mêmes grands groupes capitalistes.
En France :
- identifier les filières et entreprises stratégiques vitales pour l’intérêt général et la souveraineté nationale et mettre en place des mécanismes permettant de les protéger. La CGT propose de mener une analyse approfondie des différents secteurs de l’économie française qui tiendra compte de plusieurs critères, notamment : la contribution au dynamisme économique et à la création d’emplois qualifiés et hautement qualifiés ; l’impact sur l’innovation et la compétitivité de l’économie nationale ; le rôle dans le maintien ou le renforcement de la sécurité nationale ; la protection de l’environnement et la durabilité des activités, la maîtrise des secteurs essentiels aux besoins vitaux, comme l’énergie, la santé, l’alimentation et la production des matières premières afin de répondre à ces besoins. Une fois ces secteurs stratégiques identifiés, il sera nécessaire de déterminer les entreprises et les services publics (énergie, santé, alimentation) qui y opèrent et qui jouent un rôle prépondérant. Cette liste devrait être établie en concertation avec les acteur·ices concerné·es, notamment les représentant·es des salarié·es ;
- mettre en place des mécanismes pérennes de nationalisation : plutôt que des nationalisations de nos fleurons industriels temporaires qui ne font que nationaliser les pertes pour ensuite privatiser les profits, il s’agit de mettre en place des mécanismes pérennes assurant une réelle appropriation sociale et démocratique des secteurs stratégiques, en veillant que la gestion ne s’exerce pas sur le mode actionnarial :
- actions de référence avec droit de veto : instauration d’actions de référence accordant à l’État ou aux représentant·es des travailleur·ses un droit de veto sur l’ensemble du capital de l’entreprise, permettant ainsi d’orienter les décisions dans le sens de l’intérêt général,
- prises de participation à 100 % du capital : l’État peut acquérir la totalité du capital d’une entreprise, lui conférant ainsi un contrôle absolu sur ses orientations stratégiques et ses décisions,
- gestion démocratique et transparente : mise en place de mécanismes de prise de décision démocratique, où les représentant·es des travailleur·ses, les élu·es des collectivités locales, les citoyen·nes et les parties prenantes ont voix au chapitre dans la gouvernance de l’entreprise,
- garantie de continuité de service : s’assurer que les services essentiels fournis par l’entreprise ne soient pas interrompus, tout en veillant à ce que les travailleur·ses disposent des conditions nécessaires pour accomplir leur travail dignement,
- politique d’investissement et de développement : l’État peut mettre en oeuvre une politique d’investissement à long terme visant à moderniser les infrastructures, à promouvoir l’innovation et à assurer la compétitivité de l’entreprise sur le marché international,
- investir massivement aux niveaux français et européen pour conquérir une maîtrise et une souveraineté dans des domaines stratégiques tels que l’IA et les composants électroniques ;
- créer un pôle public du médicament, visant à garantir la production et la distribution de médicaments essentiels. Ce pôle intégré au sein de la Sécurité sociale serait chargé d’identifier les besoins prioritaires de la population en matière de médicaments, de recenser tous les derniers lieux de fabrication des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), de relocaliser certaines productions, de coordonner la production et de veiller à ce que les médicaments soient accessibles à tous et toutes, tout en assurant une qualité et une sécurité optimales. Il aurait aussi pour objectif de maîtriser la recherche et le développement au plus près des besoins de santé nationaux, mais aussi de permettre au plus grand nombre l’accès aux soins dans le cadre d’accords avec en priorité les pays n’ayant pas sur leur territoire les structures adéquates.