11. Sortir l’énergie de la spéculation et la décarboner
La lutte contre le réchauffement climatique et la souveraineté énergétique sont des enjeux majeurs et transverses à tous les autres ; l’accès à l’énergie, le droit à l’énergie et la lutte contre la précarité énergétique se situent au même niveau, en tant que facteurs-clés de l’acceptabilité sociale.
Quant à l’empreinte carbone française, elle est 1,6 fois plus importante que ses émissions territoriales en raison de la désindustrialisation massive. La France importe donc ses émissions de GES qui sont imputées aux pays à bas coûts salariaux, à faible efficacité énergétique et à énergie plus carbonée que la nôtre. La taxation du carbone – fausse bonne idée – ne prend pas en compte les externalités négatives liées aux émissions de gaz à effet de serre et pèse davantage sur les couches sociales populaires, comme tout impôt proportionnel sur les biens manufacturés.
La CGT revendique de donner les moyens d’atteindre l’objectif de neutralité carbone inscrit dans la loi, tout en diminuant son empreinte carbone.
Les 1 600 TWh nécessaires aux besoins de la France sont répartis en 3 tiers entre le pétrole, le gaz et l’électricité, et la consommation finale d’énergie dans l’industrie n’a cessé de diminuer – passant de 24 % à 19 %.
Or la dernière crise énergétique a révélé que les moyens de production pilotables électriques ont été ramenés à des niveaux très bas en France, mais aussi en Europe, favorisant la spéculation sur le marché de l’électricité. Des collectivités ont dû fermer piscines et gymnases, des industries ont réduit voire arrêté leur production, et le sentiment de déclassement a été aggravé parmi les travailleur·ses, amplifiant la portée des idées d’extrême droite. Poursuivre sur une telle tendance reviendrait à abandonner toute perspective de réindustrialisation et à pérenniser le déficit industriel actuel.
Viser la décarbonation de l’économie se traduira par des transferts d’usage, avec une adaptation de l’outil industriel et une amplification de notre système électrique, qui va s’étendre sur une trentaine d’années.
Le coût économique et social d’un « surdimensionnement des capacités électriques » est sans commune mesure avec celui d’une pénurie, ou d’une sobriété imposée par le signal prix.
Pour conserver et réimplanter des entreprises partout en France, la CGT réaffirme la nécessité d’un mix énergétique composé d’une filière industrielle du nucléaire (confortée avec l’anticipation des besoins en formation et en emploi) ainsi que d’une filière d’énergies renouvelables organisée pour une production stable et à prix compétitifs. Cette organisation dans un grand service public de l’énergie conditionne le maintien de la production, le transport et la distribution sous maîtrise et gestion publique, seule capable de soutenir les lourds investissements nécessaires dans ces nouvelles filières.
Cela confirme la pertinence de renforcer la recherche, d’accélérer le passage expérimental vers un développement industriel, et de s’engager sans tarder dans la construction de filières de transformation (production d’ammoniaque, production H2, réutilisation du CO2 par les procédés de capture et d’utilisation du carbone – CCU – et de production de biogaz) et de moyens de production denses comme le renouvelable, le nucléaire, le thermique décarboné (centre de valorisation énergétique conversion des centrales en biomasse, efuel, biogaz…) et hydrauliques.
Le financement de ce futur énergétique s’appuiera sur un pôle public financier.
La CGT propose d’agir au niveau européen pour que l’énergie soit démarchandisée. La CGT revendique la sortie du marché de l’électricité en mettant un terme aux règles imposées par les directives européennes, le retour à une maîtrise, une appropriation et une gestion du secteur 100 % public et la mise en place d’un tarif réglementé pour tou·tes les consommateur·ices (y compris les PME), indexé sur le coût de revient réel. La TVA doit être ramenée à 5,5 % en tant que bien de première nécessité.
Elle propose aussi la négociation de contrats de long terme. Ils doivent être négociés entre les entreprises publiques de l’énergie, l’État et les industriels, particulièrement les électro-intensifs, ceux-ci pouvant apporter en échange leur contribution au développement, à la reconversion et à la transformation des moyens de production. Cette contractualisation leur assurerait d’avoir la garantie de fourniture d’une production d’électricité à un prix garanti sur plusieurs décennies.
Penser le raffinage comme une pièce majeure du schéma industriel d’un territoire. Le pétrole doit être utilisé comme une matière première non énergétique, à la source de 70 % de nos biens d’équipements. Arrêter de raffiner du pétrole en France conduirait à dépendre complètement d’importations de produits raffinés avec de lourdes conséquences sur le plan industriel, des filières et de l’emploi. Ce serait aussi très hypocrite, dans la mesure où cela exonérerait la France et les opérateurs du raffinage de pétrole présent sur le territoire de réaliser la modernisation nécessaire des unités pour répondre aux enjeux environnementaux. Outre les débouchés liés à la mobilité, au chauffage et à la production d’énergie, il convient de considérer la nécessaire orientation de l’outil de raffinage vers les débouchés de la chimie (pétrochimie) et les produits spécialisés tels que les lubrifiants, l’asphalte, les solvants et les cires. Envisager l’évolution de l’outil de raffinage dans le but d’augmenter la production de charges pour la pétrochimie. En effet, la pétrochimie a besoin de naphta ou de différents gaz afin de produire les oléfines et les aromatiques eux-mêmes matières premières nécessaires à la production de polymères, d’élastomères, de produits de chimie de spécialité ou de chimie fine (cosmétique, hygiène, médicaments, etc.).